Éthique et conditions de la fin de vie

Approche pluridisciplinaire et internationale
mercredi 6 mai 2015
par  Brigitte Écobichon

Colloque des 19 et 20 mars 2015, organisé par la Faculté de Droit de Caen et par l’Espace de Réflexion Éthique de Basse-Normandie.
Nous étions six bénévoles de l’ASPEC à suivre attentivement les débats de haute tenue dans l’amphi P. Daure qui a accueilli plus de 400 inscrits !

Est-ce que médicalement si « je sais faire, je dois faire » ?

Dans l’introduction au colloque, Mr Lunel, historien, a souligné qu’autrefois chacun avait conscience d’être un vivant en sursis (l’espérance de vie était de 25 ans). La « bonne mort » était catholique et le suicide, un acte grave punissable. 1789 a mis un terme à cette conception exclusivement religieuse de la fin de vie et de la mort. Le suicide n’est plus évoqué dans le Droit pénal.
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Au siècle dernier avec les progrès de la médecine et l’allongement de la durée de la vie le concept de la mort change radicalement. La mort s’efface de la vie quotidienne. Le temps du mourir devient un passage qui peut durer plusieurs mois. Les malades réclament de nouveaux droits et ne se soumettent plus au médecin.

Régis Aubry rappelle que les évolutions de la médecine ont entraîné des conséquences qui restent largement impensées tant pour l’individu que pour la société. Quel est le sens du maintien en vie dans les stades avancés de la maladie ? Les contraintes économiques actuelles provoquent de fait des choix de politiques pour accompagner les patients gravement malades et/ou en fin de vie ainsi que les personnes âgées.
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Pour elles, la réponse a été l’EHPAD et le plus souvent la mort à l’hôpital (dans les services d’urgence faits pour sauver des vies !). Pourtant les français souhaitent rester à leur domicile et y mourir. Comment en est-on arrivé à décider de politiques qui vont à l’encontre du désir des citoyens ?

Il y a donc nécessité de maintenir le débat public et la réflexion éthique autour de l’accompagnement de la fin de vie. Est-ce que médicalement si « je sais faire, je dois faire » ?

Mme Taboulet, économiste de la Santé a balayé quelques idées reçues : les dépenses des personnes âgées sont moins importantes qu’aux autres périodes de la vie. La T2A (tarification à l’activité) est inadaptée dans ces prises en charge. Il est impossible de tout quantifier (surtout en ce qui concerne le Care). Les rapports sur les Soins Palliatifs ont démontré que s’ils étaient mis en place très tôt, la réduction des coûts était très sensible.

Et que dit le Droit sur la question de la fin de vie ?

Les juristes ont rappelé que la Loi fixe le cadre général. Elle ne peut tenir compte des cas particuliers. Dans la nouvelle loi, les Directives Anticipées s’imposent au médecin. Elles sont contraignantes. Si le médecin juge qu’elles sont devenues contraires à l’intérêt du malade il doit mettre en place un collège de décision. Elles seront inscrites dans un registre informatisé. La désignation de la personne de confiance sera importante : son avis prévaudra sur tout autre avis. Le Code de la Santé Publique se refuse toujours à fixer des priorités dans l’ordre familial. Le cas de Vincent Lambert ne serait donc pas réglé par la loi. La sédation profonde continue en phase terminale ne semble pas non plus une véritable avancée. Quel usage en sera fait ? Qu’est ce que « la phase terminale » ? La loi ne prévoit pas la définition de ce terme.

La Cour Européenne des Droits de l’Homme se refuse à statuer sur la protection d’un Droit à mourir. Elle considère que les juridictions nationales sont mieux placées pour en juger. Tous ses arrêts vont dans ce sens.

Les juristes et médecins belges, québécois et néerlandais ont exposé des cas cliniques. En Hollande, une femme de 46 ans atteinte d’acouphènes a obtenu une euthanasie. En Belgique la Commission Fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie reçoit les déclarations obligatoires d’euthanasie a posteriori ; elle étudie si les conditions de cette euthanasie sont conformes à la loi. Il est à noter qu’aucun cas n’a été transmis au Parquet à ce jour (?). Dans ce pays la loi de 2002 ne fait pas de distinction entre euthanasie, assistance au suicide et suicide médicalement assisté. De fait il n’y a pas de Droit à l’euthanasie mais elle est dépénalisée. Depuis 2014 elle est étendue aux mineurs.

Camille Tarot, sociologue, a cité l’ouvrage important de Jankélévitch «  La mort  ». La mort est une dimension a priori de l’existence humaine. Elle reste pourtant un évènement parfaitement impensable. De plus, il y a une étrangeté dans la façon occidentale de la tentative d’évacuer la mort de la vie sociale. Or dans toutes les cultures, la représentation de la mort met en cause la construction sociale de l’individu dans sa communauté. Cette dimension affirme l’importance de la réflexion des citoyens sur les politiques de fin de vie, dans ce qui est la conception même de notre société.

Brigitte Écobichon


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