Congrès de la SFAP Dijon 16-18 juin 2016 - Échos

Créer, Innover, Permettre
vendredi 1er juillet 2016
par  Brigitte Écobichon

Dijon  : entre moutarde et crème de cassis, entre amer et sucré, entre piquant et doux…

De l’impossible vers le possible ? Le thème du congrès nous a apporté en fait plus de questionnements que de réponses : le paradoxe ayant par nature une fâcheuse tendance à rester… paradoxal !
Mais les sous-titres nous ont invités à faire un pas de côté pour ne pas rester figés dans ce face-à-face des contraires et donc de l’impossible : Créer, Innover, Permettre.

Régis Aubry a mis en lumière ce paradoxe des temps modernes : nous survalorisons les personnes productives, rentables avec le culte de la performance et en même temps jamais les progrès des sciences et de la médecine n’ont «  fabriqué  » autant de personnes vulnérables. Ces nouvelles fragilités sont non-pensées et pourtant nous ne pourrons escamoter la question des contraintes budgétaires versus l’impératif de regarder comme une richesse la personne vulnérable ou âgée. Elle est porteuse de la nécessaire solidarité, elle est un «  laboratoire à fabriquer du sens  » (Jacques Gaucher). Elle garde à la communauté sa dimension humaine. Alors que faire ?

Sans doute apprendre d’abord à débattre, à construire une réflexion éthique responsable, à résister à l’inutile surmédicalisation de la fin de vie et à inventer de nouvelles solidarités citoyennes.

Jean-Claude Ameisen a repris cette exigence de croiser les regards pour appréhender la réalité. Mais que vaut la collégialité si elle consiste à consulter l’opinion de chacun et qu’un seul décide ensuite ? C’est souvent la conception à la française ! La vraie collégialité n’est-elle pas de construire ensemble la solution acceptable par tous ?

Il a par ailleurs souligné la contradiction dans laquelle la démarche palliative se trouve désormais. Les soins palliatifs se doivent de continuer la recherche, d’être reconnus comme une spécialité et en même temps cette culture palliative doit se diffuser dans toute démarche de soins au risque de se perdre, de se banaliser, de se simplifier.

Étienne Klein a rappelé que les sciences, même celles dites dures, nécessitent une dialectique entre réel et imaginaire. Les idées neuves ont surgi dans le cerveau de ceux qui ont osé penser contre la raison du moment. La rêverie vagabonde est créative. « L’imagination est plus importante que le savoir » Albert Einstein.

Lydwine et Jérôme Alric dans leur intervention intitulée « Du vœu de secourir à l’éloge de la tranquillité  » ont insisté sur l’aspect de l’accompagnement qui ne doit pas avoir de visée adaptative. Il doit préserver 3 libertés pour la personne accompagnée :

  • liberté de la rencontre ou non
  • liberté de dire ce qu’elle veut. La vie psychique est remaniée en fin de vie, les souvenirs aussi.
  • liberté de faire ou non le deuil d’elle même , d’accepter ou non sa mort. La mort ne s’affronte pas. Le sujet se sait mortel mais il se veut et se croit immortel. Il faut faire l’éloge de la tranquillité pour l’être en fin de vie : pas d’activisme, pas de voeu débordant de secourir l’autre !

Cécile Besset et Nicolas Becoulet s’appuyant sur le concept de «  Banalité du mal » développé par Hannah Arendt ont rappelé à quel point agir sans penser dans une routine de procédures peut nous faire participer la conscience tranquille (comme Eichmann) au «  Mal  ». Notre capacité à faire est illimitée, notre capacité à penser ce faire est limitée.

Même si bien évidemment nous ne sommes pas dans l’horreur des doctrines nazies, ne pas se poser la question du sens de notre action peut nous entraîner «  à faire plus de mal que de bien  »

Alors bienvenue au groupe de paroles et aux formations ! Restons vigilants avec nous même.

En écho avec tous ces concepts nous avons entendu comment l’imaginaire et la volonté tenace de le mettre en œuvre ont produit des créations porteuses d’ouvertures, de passages de l’impossible vers le possible. Voici quelques exemples de cette créativité :

  • L’association Albatros à Lyon a créé un habitat partagé entre étudiants et personnes vulnérables ou malades. En échange du logement les étudiants prennent soin de leurs voisins.
  • Jade est un atelier cinéma-répit d’une semaine dans un très beau lieu (avec la réalisatrice Isabelle Brocard) pour les très jeunes aidants qui demeurent invisibles dans les dispositifs d’aide des soins palliatifs
  • Création de maisons d’accueil pour les personnes en fin de vie au Québec
  • Musicothérapie avec Claire Oppert, violoncelliste, qui se rend au chevet des malades en leur proposant la musique qu’ils aiment. Elle parle du « Pansement Schubert » pour lutter contre la souffrance. Pour ma part j’ai ressenti une émotion profonde aux vibrations déchirantes ou joyeuses de son violoncelle accompagné de paroles de malades. Et tant d’autres choses encore…

Ce congrès rassemblait plus de 2300 personnes plutôt jeunes voire très jeunes ! Ce constat m’étonne et me réjouit : la déshumanisation annoncée rencontrerait-elle une résistance inattendue ? L’efficacité, la standardisation pour être toujours plus grand, plus fort, plus riche ne séduiraient pas la totalité de nos concitoyens. Les soins palliatifs sont au coeur d’une situation aporétique : nécessité de concilier le «  pansement technique  » et «  le pansement Schubert  ». Il va falloir être innovant pour se faire entendre !
Mais pour nous, les bénévoles, notre position est moins paradoxale. Nous n’avons pas à faire. Rappelons-nous donc que la rêverie, la poésie et les arts en général sont ce qu’il y a de plus proches de la pensée ouverte et féconde, celle qui nous permet d’être pleinement présents auprès de la personne accompagnée.

Alors nous pourrons recevoir tranquillement l’amer et le sucré, la moutarde et la liqueur..

échos de Brigitte


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